Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Je vous écris de Gaziantep
10 novembre 2011

En Kürdistan

 

    Sur une route de l'est anatolien, en direction de Mardin : nous profitons des trois jours de congés à l’occasion de Bayram, autrement-dit l’Aïd, pour quitter Gaziantep et se balader un peu plus à l'est. Viendront quelques mots et photos de ce court périple.

En cliquant ici, une carte et le trajet de Gaziantep jusqu'à Mardin.


    Une station essence, une cantine au bord de la route sillonant la plaine aux mille Suances d’ocre. Le chauffeur kurde nous invite à sa table pour avaler une çorba (soupe à base de pois chiches, parfois de lentilles) avant de nous faire remonter dans son bus. A la table voisine, des collègues, kurdes eux aussi.

   Tranquille joie d'être admise dans ce petit cercle d’hommes, de pouvoir tendre l’oreille au flots des paroles, les oreilles seulement attentives à la musique, aux intonations, parfois un petit mot qui traîne, dans lequel je reconnais une influence persanne.

    Notre chauffeur se nomme Bahattin, la moustache fière et l’oeil vif. Il palabre avec ses collègues de la table voisine ; de temps en temps nous échangeons quelques mots, les mains aidant à ce laborieux mais efficace échange. 

    Soudain, ses yeux brillent d'un éclat de conspirateur et, sourire aux lèvres, il se penche vers moi ; un regard en coin adressé aux serveurs qui passent quelques tables plus loin, et d'une voix basse : “burada, kürd toprak! - ici, c'est la terre kurde. nous sommes kurdes, et ici c'est la terre kurde." 

   À ces mots, un chauffeur de ses amis se soulève de sa chaise, la poste au bout de notre table et, accoudé sur le dossier, écoute Bahattin avec un rictus satisfait. “Mais, les Turks…” il mime les menottes en croisant ses deux poignets d’un geste éloquent, un air grave sur le visage ; mais même là, une manière de sourire

   Quelques phrases encore sur le sujet, le sérieux ne fait pas long feu ; cette étrangère müzaffer (invitée) croquant dans un piment est d’ailleurs une sérieuse source d’amusement..il se met à feuilleter en riant avec son voisin mon dictionnaire de poche, trouve le mot Newrouz (nouvel an musulman, célébré par les kurdes, les iraniens notamment, mais pas par les turcs, qui ont adopté le calendrier chrétiens dans les années 20) et m’explique joyeusement de quoi il retourne.

   Et puis, il a confiance en l’avenir de son peuple, le bonhomme. Après nous avoir montré les photos de sa famille sur son téléphone portable, il nous demande si nous sommes mariés, dans notre pays. Désolé d’apprendre que non, il se lance dans des considérations sur le sujet, parvenant tant bien que mal à se faire comprendre, sans perdre patience lorsqu’il lui faux répéter pour la cinquième fois la même phrase. 

   "Les turcs, ils n’ont qu’une femme, qui leurs donnent deux ou trois marmots ; il n’y en a pas qui aient deux femmes. Les kurdes, eux, ont deux, trois et même quatre femmes, une marmaille de dix à vingt têtes, ce qui est bien plus joyeux !"

   Ses yeux petillent, il mime la danse traditionnelle que l’on danse aux mariages kurdes - à l’en croire, ces festivités sont une bonne raison de se marier plusieurs fois : pourquoi se priver de si heureux moments, quand la vie le permet!)...

   Si l’on se livre à quelques calculs simples de démographie, le “problème” kurde devrait être réglé d’ici quelques générations!

Publicité
Publicité
Commentaires
Archives
Publicité
Publicité