Un après-midi au Hammam - Naib hammamı a été construit il y a cinq siècle et est connu pour être le plus beau de la ville...
Une première pièce, avec des sortes de blacons en bois dans les angles où les familles entassent leurs vêtement et autres affaires, une fontaine au centre et des gamins qui jouent, des mères qui papotent. Une toute petite porte, un couloir tout aussi exigu, une seconde ouverture et des claquements de mains, des chants, le son des tambourins nous parviennent... Nous avons la chance de venir un jour de fête! Une jeune fille s'apprête à se marrier, toutes les femmes de la familles se retrouvent au Hamam pour célébrer, à leur manière et plus librement qu'en la société des hommes, l'heureux évènement. Dans la seconde petite salle, des chaises en plastique contre les murs où les plus agées sont assises, tapant sur un tambour ou dans leurs mains. La génération suivante est debout, accompagnant le chant des jeunes filles qui danse au centre. Les youyous s'élèvent régulièrement et raisonnent dans l'alcôve du toit - la fête occupe tout l'espace sonore et physique, et les vapeurs du hamam font que l'on entre dans un morceau de joie qui s'empare de vous et à laquelle il est difficile de résister! Chants et danse, gommages, çiğ köfte et patisseries, fruits... Nous arrivons dans la troisième pièce, toute de marbre. Quatre aclôves abritent une sorte de lavabo profond, dans lesquels les robinets versent leur eau brûlante ou glacée. Une dame s'assoit à cotşe de moi et entame la conversation. Elle rit en me parlant des femmes agées qui se promènent ou se prélassent dans le hamam : elles sont ici comme chez elles, venant chaque matin, repartant le soir. Pendant que leur mari joue au okey en sirottant des verres de thé à la çay evi, c'est donc ici que se cachent les femmes (disons celles qui en ont les moyens...)
Ici qu'elle se cache, et cessent en même temps de se cacher pour qui peut entrer avec elles. Car ici, le voile, les voiles tombent. La pudeur, si présente en dehors, surtout dans le rapport aux hommes bien sûr, est repoussée dans ses derniers retranchements : la nudité est à moitié ou totalement dévoilée, l'on se lave entièrement, jusqu'aux parties intimes, aux yeux toutes. Il règne comme une complicité naturelle et les regards qui vous accueillent, souriants mais ne vous dévisageant pas, ne vous détaillant plus de haut en bas comme c'est le cas dans les rues, ont vite fait de vous faire partager l'aise générale. On partage les mêmes robinets et petit bassin, on s'aide à se savonner le dos, on se prête les savons.
C'est donc une grande liberté que trouvent les femmes derrière ce voile commun que sont les murs d'un hamam - une certaines liberté de mouvement, d'aise que nous ne connaissons souvent pas par chez nous (exception faites de ceux qui passent leurs étés chez les tous nus ;). Bon, ce n'est tout de même pas comme chez Indres, seules quelques vielles dames avaient les fesses à l'air, la plus part gardent leur culotte ; les jeunes filles ont généralement les seins couverts. Il semble que la pudeur soit l'apanage de la nouvelle génération, de celle qui se découvre par ailleurs les cheveux dans la rue... intéressante équation.
Les peaux plus sombres que celles du tableau, les corps parfois un peu plus minces pour les jeunes filles, parfois plus rondelets...pour les mères et grands mères, on peut parler d'une véritable opulence - le gras est signe d'un bon ménage, alors on l'aborde sans plus de gêne que celle qu'il occasionne pour tout déplacement! Certaines jeunes femmes, plus que bien en chair, n'en sont pas moins d'une grande beauté : visage rayonnant et traits délicats, formes harminieuses et fermes, superbe couleur de peau... Au delà des symbôles, des significations que l'on peut trouver dans le canon de beauté de la femme bien - plus que bien - en chair, on comprend mieux, à les regarder, ce qui peut suciter un tel sens esthétique. Parmi les jeunes il me semble que l'on est bien plus préoccupées par leur ligne (si les femmes se mettent à vouloir être minces, le métier de Maman à de l'avenir par ici!)
L'une des grands-mères masseuses, que je croise dans le vestiaire, me regarde de bas en haut avec un grand sourire, évaluant ula marchandise. Elle me demande si j'ai fait un gommage, elle ne m'a pas vue, mais pourquoi il le faut, avec un gommage, machallah, tu seras yaprak, yaprak! Et les femmes alentour d'aprouver - la légugende veut que les mères de jeunes homme à marier cherchent leur future bru dans l'intimité du hammam : tout les voiles étant tombés, elles peuvent juger la carrure, tâter la marchandise en proposant un gommage, etc. Bref, d'une main experte, élire le meilleur morceau pour donner la vie aux fils de son fils... Je n'ai donc pas échapper à la règle, et n'étant l'anneau qui me permet de me prétendre fiancée, j'aurais trouvé une belle-famille!! L'histoire se finit par des rires, et l'on insiste un peu sur le ton de la blague.
À la sortie du hammam, les corps se recouvrent, les cheveux se cachent sous le tissus coloré ou sombre. Il reste dans le regard un peu de cette complicité, un éclat qui vous dit que l'on est de la même famille, que l'on se comprend..
D'autres histoires m'ammènent à penser que ce qui, à première vue, peut rendre moins aisé le voyage en pays musulman pour une femme, lui ouvre en fait les portes d'un univers auquel l'homme n'aura pas accès - et permet de sentir ou entendre un peu mieux peut-être cette culture qui sucite bien des incompréhension, et partant d'en mieux en apprécier les joliesses. Nous y reviendrons...