La çay evi
C'était il y a un mois, peut-être un peu plus, quand nous sommes allées nous promener à l'ouest, direction la Méditerranée.Avant Mersin, nous nous sommes arrêtée à Osmaniye, petite ville qui surgit, dans la plaine aride traversée depuis Gaziantep, au pied d'une montagne. Par un heureux hasard, une amie de Natalia était là, en vacances dans la famille de son petit ami turc. En arrivant, ayant quelques heures devant nous, nous avons flaner dans les rues et, quand la nuit d'hiver pressée de tomber nous a surprise de son vent si froid, nous avons poussé la porte d'une çay evi (prononcer tchay, maison de thé). Son nom, Köy evi ou maison du village, laissait présager un décor traditionnel. En entrant, la petite salle était en effet ornée des tapis et tentures, et les petits tabourets de bois entouraient les tables basses recouvertes de tissus locaux. Nous nous installons sous le regard surpris et joyeux des trois hommes de la maison (grand-père, père et fils) qui nous servent le thé. L'embrasure d'une porte, au fond, nous laisse apercevoir une autre pièce, plus grande, où des groupes d'hommes jouent au tavla et au okey, passe-temps favoris des hommes turcs et occupation principale de ceux qui prennent de l'âge. Aucune femme dans cet endroit : les çay evi, qui sont une véritable institution, sont réservées aux hommes, non pas que l'entrée en soient explicitement interdite aux femmes, mais cela serait contre nature... Nous sommes entrées là sans y penser...
La surprise passée, le statut de missafir (invité) que nos visages européen nous confèrent fait son effet : thé offert, attention redoublée et délicate discrétion. Au bout de quelques instant, un homme sort d'une pièce sur le coté, dont nous n'avions pas remarqué la petite porte en bois qui était fermée. L'employé nous observe tout étonné puis, échangeant quelques mots avec son patron, montre du doigt la fameuse porte... L'ouvrant de nouveau, il nous fait signe : Buyrun! (bouyroune, littéralement ordonnez, que l'on traduira par je vous en prie) Comme nous ne comprenons pas tout de suite ce qu'il nous veut, il insşste, nous dit d'entrer dans la petite pièce, que nous serons plus confortablement installées et plus tranquilles. Nous échangeons un regard puis un sourire qui sert de décision : reprenant nos sacs, enlevant nos chaussures pour ne pas salir les tapis qui recouvrent le sol, nous prenons possessions de nos quartiers. L'homme nous apporte de nouveau du thé, et un peu empressé, voulant subvenir au moindre de nos souhait, ressort en saluant et en tirant la porte, qui restera entrebaillée.