Mariage

      Mehmet Ali, mon colocataire turc, m'avait prevenue : ''İci nous avons des mariages toutes les week-ends, dans nos familles ou parmis nos amis. Vous recevrez tres vite des invitations, c'est certain!'' Notons qu'un mariage reussi est, dans ces contrees, un mariage rassemblant le plus de monde possible ;meme inconnus des familles, les amis d'amis sont plus que les bienvenus. Hier soir, le big boss de l'association fut le premier a nous convier (les membres lui vouent un respect assez suprenant, pas si loin que ça d'une sorte de veneration.. et le bonhomme fait bien deux têtes de moins que moi et avec son air de ressemblance avec, pour ce qui connaissent, un certain Rapetou, ce quelque chose d'adolescent dans le regard, j'avoue devoir me retenir pour ne pas rire!)

     Le rire se presente aussi lorsque nous entrons dans cette salle immense salle de fete. Nous sommes dans une grande ville, mariage de classe aisee : le tradionnel a ete remplace par un kitch savoureux. Les grandes tables et les chaises sont recouvertes d'une tıssus dore, ces dernieres ont en plus un gros noeux rouge brillant dans le dos ; les maries ont une loge, tronant devant la piste de danse, avec colones blanches, une sorte d'autel garnis de tissus dores et blancs et derriere de hautes chaises blanches dont le dossier finit en forme de coeur ; dans leur dos, un tulle blanc etoile derriere lequel deux coeurs entrelaces sont dessınes par de petites lampes rouges. La reine de la soiree y reçoit les felecitation de ses amies, pendant que les hommes dansent (et oui, certaines danses sont uniquement masculines...) ; je n'en rajoute pas beaucoup en disant qu'elle presente une interessante ressemblance avec une meringue joliement potelee. Un decor de conte de fee bon marche, ce qui se fait de meilleur dans le pompier aux accents europeens. A quoi donc revent-elle, ces familles si fieres d'accueillir la foule des invites dans ce qui semble une mauvaise publicite d'agence matrimoniale ? Etrange sensation, les yeux brillant d'un couple, la joie des familles, et ce decor de carton-pate, ce ridicule a ruban et pailettes...

     Heureusement, lorsque les danses commencent, on oublie vite tout cela, et ''l'ame turque'' refait surface, souriant de toutes ses dents. Un immense cercle ouvert de danseurs et danseuses se tenant par le petit doigts, des pas qui rappellent ceux qui se font de par chez nous - les femmes les enchainent sans emphase, tandis que les hommes peuvent leur donner de l'ampleur, les compliquer, improviser ; celui qui mene la danse a l'une des extremıtes du cercle tient dans sa main un mouchoir qu'il agite en cadence ; deux tambours au centre et cette flute traditionnelle au son si particulier. De temps en temps, le meneur vient au centre et se lance alors dans une succession de pas plus complexes que ponctuent des sauts, reception accroupie. C'est assez impressionnant, et surtout charge d'une joie a laquelle il est difficile d'echapper!

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     Lorsque le marie danse au centre, seul ou bien avec sa jeune femme, il est de coutume (pour les hommes) de venir effeuiller au dessus de leur tete une liasse de billet, avec un geste de fiere generosite. Les gosses se jettent pour les ramasser par terres, comparant ensuite l'epaisseur de leur tresors, les vrais billets ayant ete donnes en echange de ces contre-façon : c'est dans cette traditionnelle demonstration que ce font les dons au jeune couple.

     La musique change, cette fois on danse en solo. Mehmet Ali m'invite a danser. Le pas est simple, et on l'accompagne en claquant des doigts, les bras leves. Un bon danseur sait bouger ses epaules et ses hanches d'un leger mouvement, en rythme. J'observe, reproduit et me laisse porter par cette musique, dont je tacherai de vous faire ecouter quelques morceaux. Les amis turcs presents me diront que je danse etonnament bien a la mode turque, c'est meme parfait...pour un homme ! Car ici, ce sont surtout les hommes qui sont des danseurs, les femmes accompagnent la musique en bougeant seulement leurs pieds et leurs mains.. Nous en rions de bon coeur, et je me dis avec un sourire : on est feministe ou on ne l'est pas !

     Sur la piste, je depasse de beaucoup toutes les autres femmes, et la plupart des hommes aussi, et cette drole de danseuse attire les regards de la ribambelle de gamines qui se tremoussent sur la piste ; elles viennent danser a mes cotes, ne me lachant pas des yeux. Lorsqu'ensuite je regagne notre table, elles n'auront de cesse de venir par petits groupes, se chuchotant a l'oreille, pouffant lorsque je leur adresse un sourire. Les plus courageuses viendront m'offrir une fleur en plastique, recouverte de paillettes dorees ou blanche... difficile garder son serieux !

(ps : desolee pour ce texte sans accents, maıs ımpossıble de trouver comment en faıre avec le clavıer turque sur lequel je tapotte!)

Comments

[Loum']

Oh, ça à l'air chouette ! Et quelle description précise ! On sent que tu t'es posée avec ton petit carnet, sur une des chaises dorées à gros nœuds pour décrire la scène dans ses moindres détails.
J'adore les petites filles qui te regardent d'en bas avec admiration !